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Andro Wekua : Stranger in Paradise

27/10/2023 18/2/2024

Les présentations d’Andro Wekua se caractérisent par une mise en scène épurée, à la croisée du souvenir, du rêve, de la fantaisie, du désir ou encore d’un frisson de l’ordre de la science-fiction. C’est dans ce même style qu’il présente ici, sur une scène dépouillée, l’horizon complet des dimensions mélancoliques et imaginatives invoquées par son travail.
Les quelques images soigneusement choisies évoquent un lieu au bord de la mer Noire : une architecture aux néons nostalgiques, la présence d’un mystérieux personnage androgyne relié à l’image d’un dauphin et de flore marine, et un relief schématique au sol éclairant le clapotis des vagues.

Andro Wekua, né à Soukhoumi en 1977, fait partie des artistes internationaux précurseurs pour qui l’identité ne relève pas du déterminisme, mais d’une catégorie non définie, versatile et fluide. L’explication pour le déracinement, la nostalgie d’un lieu de vie perdu et la perte du père – thèmes omniprésents dans son travail – est souvent cherchée dans les événements de sa biographie. Or, Andro Wekua réfute et ignore précisément ces faits, car pour lui, ils ne concernent que partiellement le mystère de ses personnages et de ses œuvres.
Soukhoumi, sa ville d’origine, est une station balnéaire subtropicale aux abords de la mer Noire. Elle est située en Abkhazie, un territoire autonome de Géorgie. En 1992-1993, les tensions ethniques entre les séparatistes nationalistes abkhazes soutenus par la Russie et les autorités géorgiennes mènent à une guerre ouverte. L’Abkhazie séparatiste demeure depuis une zone de conflit inaccessible aux citoyens géorgiens. Militant politique qui luttait contre l’ingérence russe dans le conflit, le père d’Andro Wekua fut assassiné par des nationalistes dans les affrontements, décès qui força la famille à fuir pour Tbilissi.

Grâce à une organisation humanitaire, Andro Wekua a pu passer son adolescence en Suisse, pour y suivre une formation artistique à Dornach, près de Bâle. Resté en Suisse après ses études, il s’est rapidement forgé une réputation à Zurich, où il s’était établi, mais aussi l’international. Après quelques courts séjours à l’étranger, dont à New York, il s’installe à Berlin en 2006. Il y habite depuis avec sa famille et y est reconnu comme l’un des artistes les plus importants de la scène artistique internationale de Berlin, et l’un des plus renommés de la diaspora géorgienne.

Les expositions d’Andro Wekua proposent souvent des récits sommaires et non linéaires, soulignant les excentricités de la mémoire à travers des peintures, des sculptures, des installations mixtes, des films ou encore des maquettes d’architecture. Il se sert de collages pour transformer des prises de vues familiales de Soukhoumi – l’ancienne station balnéaire soviétique abandonnée où ni les publicités ni les symboles de la consommation n’étaient autorisés – en peintures obscures, dessins ou mises en pages de magazine dans lesquels il fait de multiples références à la pop culture grand public. L’artiste suscite des dialogues entre des œuvres très diverses au sein de l’exposition, à la faveur d’ellipses dans le récit et de la juxtaposition de différents registres temporels. Il souligne ainsi combien les souvenirs influencent et transforment nos rêves, et met en évidence la nature insaisissable du passé.
Andro Wekua ébauche dans son travail des scènes d‘une grande intensité psychologique et somatique. Les mots et les images y voyagent entre conscient et inconscient. Ses installations comportent également des sculptures ressemblant à des mannequins de vitrine. Les siens sont toutefois créés à partir d’un modèle vivant moulé dans la cire, puis reproduit en silicone. Il obtient ainsi des mannequins à la fois très réalistes, artificiels et schématiques. Présentés dans des poses très théâtrales et des tableaux vivants architecturaux, ils interagissent avec d’autres éléments tels des collages et peintures. Andro Wekua interroge ainsi l’intériorisation et l’extraversion, l’intérieur et l’extérieur, le privé et le public, le performatif et la retenue. Il cherche à susciter l’ambiguïté et le malaise auprès du public.

Revenant encore et toujours à l’insaisissable Soukhoumi, il reste vague cependant, et ne représente jamais les évènements dramatiques qui s’y sont déroulés. Il réfute et rejette ainsi toute interprétation autobiographique qui réduirait son œuvre à la figuration traumatique. Certains éléments sont cependant récurrents et reconnaissables, tels l’inaccessibilité de son lieu de naissance et de sa patrie, la perte du père, la diaspora comme redoutable perspective d’un désir permanent, mais inassouvissable. C’est dans cette mémoire courte et longue, dans les dimensions inconscientes et subconscientes de la psyché, qu’Andro Wekua puise le verbe et le rationnel qui lui permettent de recréer des images à partir de bribes et débris.
Cette démarche apparaît le plus clairement dans la reconstitution de détails architecturaux qu’il choisit souvent de reconstruire de mémoire plutôt que sur la base de photos. Pour les figures humaines, mais aussi les dauphins et la flore aquatique, l’apparence schématique est le résultat de la transformation d’une représentation réaliste en représentations personnelles, qui peuvent s’avérer sinistres ou idylliques. Pour ces dernières, il puise dans le registre de la fable ou du conte de fée, s’inspirant souvent de l’esthétique pop des mangas ou animes japonais, comme Princesse Mononoké du studio Ghibli.

Dès qu’une œuvre est achevée, Andro Wekua s’en détache totalement. Comme il le dit lui-même : « Dès que mon œuvre est exposée quelque part, la relation intime s’achève. L’œuvre n’est pas l’ambassadrice de mes idées, elle devient et continue d’exister de manière totalement autonome. Lorsque je vois l’une de mes œuvres dans une exposition, je suis autant spectateur que toi. Si une œuvre n’est pas en mesure de mener sa propre vie, elle ne doit pas quitter l’atelier ». Les titres de ses œuvres et de ses expositions sont tout aussi énigmatiques et génériques, sans renvoi à sa biographie. Néanmoins, aucun détail, couleur ou ligne n’échappe au constat que son œuvre, bien qu’en filigrane, traite de la perte de sa famille, de la guerre, de l’exil, du choc culturel et de la solitude. Son désintérêt affirmé pour ses protagonistes, son dégoût de l’autobiographie et son détachement marqué par rapport à son œuvre peuvent être interprétés comme de l’autoprotection. Pour autant, il semble qu’Andro Wekua refuse que son œuvre soit cataloguée en fonction des circonstances et événements de sa vie.

Curateur : Dirk Snauwaert

Texte : Dirk Snauwaert

Andro Wekua, Us, 2019 © Andro Wekua.jpg

Tarifs
18€ : adultes (19-64 ans)
12€ : seniors (65+), carte Fed+, 365.be
6€ : étudiants (18+), moins valides et leur accompagnateur, guide de la ville de Bruxelles, chercheur d'emploi, personnel de l'enseignement belge
gratuit : 0 - 18 ans, sur présentation du museumpassmusée, journalistes sur présentation d'une carte de presse valide

Informations pratiques pour les visites guidées*
Groupe d'adultes
Prix : 105 € + tickets (15 participants par groupe)
Durée : 90 min

Groupe scolaire
Prix : 90 € + tickets | gratuit pour – 18 ans & 1 accompagnateur gratuit (15 participants par groupe)
Durée : 90 min

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